Rav Gérard Zyzek : « Pour vivre, un enfant doit se démarquer de son père »

Rav Gérard Zyzek : « Pour vivre, un enfant doit se démarquer de son père »


Le fondateur de la Yéchiva des étudiants publie « Le monde commence » (Editions Liliane Adler, 400 p., 28 euros) une exploration talmudique autour du commandement biblique de « fructifier et multiplier ».

 

Actualité Juive : A notre arrivée, vous étiez en train de rédiger un texte issu de votre cours. Pourquoi ce besoin de mettre votre enseignement par écrit ? 

Rav Gérard Zyzek : J’aime écrire, c’est un fait, mais je crois surtout que notre judaïsme a quelque chose de particulier à apporter à la tradition juive.

A.J.: Quoi précisément ?

Rav G.Z. : Beaucoup d’entre nous avons découvert, adultes, la tradition de nos ancêtres. Nous formons un judaïsme « mutant » et original. Celui-ci peut notamment s’exprimer, comme je le propose dans mon livre, à travers l’étude du Maharal de Prague à la pensée subversive. 

A.J.: Subversive encore de nos jours ?

Rav G.Z. : Prenons un exemple. Pourquoi Avraham voulait-il tant avoir une descendance ? Pourtant D.ieu lui avait promis Sa protection et une récompense innombrable. Mais Avraham ne se suffit pas de disciples ; il veut des enfants ! Il faut comprendre en fait qu’un disciple vient librement auprès de son maître dont il adhère à l’enseignement. Un fils en revanche sera obligé de se démarquer de son père. Ce que veut Avraham, c’est une transmission dans l’opposition. Pour le Maharal, il n’y a pas de peuple dont la propension à l’idolâtrie est plus forte que chez Israël. Pourquoi ? Parce que ce sont précisément les enfants de D.ieu. Pour vivre, un enfant doit se démarquer de son père. Il ne doit pas être dans la fascination. 

A.J.: Pour qui cette transmission dans l’opposition est-elle la plus importante ?

Rav G.Z. : Pour les deux ! La transmission n’est pas dans le message. Un message ne se transmet pas. Ce que l’on transmet à ses enfants, c’est un souffle. Regardons ce qui se passe dans un couple qui s’oppose. Chacun pense qu’il a raison mais là n’est pas l’essentiel : l’important est que le mari et la femme discutent. En ce sens, le Talmud est une éducation à la discussion. Les disciples d’Avraham ont disparu de la circulation, pas ses enfants. 

A.J.: Les disciples sont-ils finalement davantage attachés à leur maître qu’à la parole enseignée ?

Rav G.Z. : Les disciples ne font que reproduire le discours du maître. Ce qui se joue ici n’est pas vivant ! En soi, un maître n’a rien à dire. 

A.J.: Vous citez un passage du traité Niddah (36 b.), « Il n’y a pas de plus grande contrainte extérieure que l’enfant ». Est-ce à dire qu’un enfant n’ « appartient » jamais à ses parents ?

Rav G.Z. : Le commandement d’avoir des enfants incombe à l’homme et pas à la femme. Cela paraît absurde parce que, semble-t-il, il nous est toujours impossible d’avoir un enfant sans l’aide d’une femme. En fait, amener un enfant au monde nécessite l’accompagnement de la femme par son époux. C’est en effet une violence terrible pour une femme d’amener un enfant au monde. Pas seulement au moment de l’accouchement, mais par la suite également. Assumer que son enfant fasse son chemin, qu’il vienne véritablement au monde est très difficile à accepter pour une mère. Sortir du giron maternel, apprendre à être autonome, seul un père peut vous le permettre. C’est pour cette raison que c’est à ce dernier qu’incombe la mitsva d’enseigner la Torah à son fils. Sans la Torah, l’enfant encourt d’être manipulé par le monde. L’étude de la Torah lui donne les outils pour se construire et pour venir véritablement au monde.